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Alors même que le secteur automobile traverse une crise importante, le marché des véhicules électriques connaît un véritable envol. Au 1er semestre 2022, les ventes de voitures électriques ont ainsi largement dépassé les 10% de part de marché (contre 1,9% en 2019). Autrement dit, plus d’une voiture sur 10 vendue est 100% électrique !
L’enjeu est avant tout écologique : rappelons que le secteur des transports est responsable de près de 31% des émissions nationales (25% au niveau mondial). Or, si la voiture électrique n’est pas “neutre en carbone” (aucun produit ne l’est !), son impact carbone est en moyenne deux fois moindre que la voiture thermique, en prenant en compte l’ensemble du cycle de vie (i.e. y compris la fabrication et fin de vie des batteries, la production d’électricité, etc.). Les pouvoirs publics misent ainsi de manière importante sur le déploiement du véhicule électrique pour répondre aux objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), qui fixe une décarbonation complète des transports d’ici 2050.
La réglementation pénalise ainsi toujours plus les voitures thermiques. Le 28 juin 2022, le Parlement européen a notamment voté l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves d’ici à 2035 (diesel, essence et hybride). Par ailleurs, la nouvelle norme de la réglementation CAFE, entrée en vigueur au 1er janvier 2020, limite à 95 g par kilomètre le taux de CO2 émis par les véhicules mis sur le marché (en phase d’usage).
💡 Une trentaine de pays (Canada, Turquie, Maroc..) et plusieurs dizaines d'états (dont le Quebec, la Californie ou encore la Catalogne) ou de villes (dont Dallas, Reykjavik ou encore Rome) se sont déjà engagés à bannir la production et la vente de voitures thermiques d’ici 2040 pour ne vendre, à terme, que des voitures à faible impact carbone.
Rappelons qu’il existe actuellement trois types principaux de motorisation :
(NB : nous ne parlerons pas de l’hydrogène ici, qui est un sujet à part, et moins adapté pour les véhicules particuliers du fait de leur maturité et leur coût)
La comptabilisation du bilan carbone d’une voiture, qu’elle soit électrique, thermique ou hybride, doit intégrer les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son cycle de vie (ce qui n’est pas le cas dans la réglementation CAFE actuelle), de l’extraction des ressources nécessaires à sa fabrication jusqu’à sa fin de vie :
L’unité utilisée pour calculer l’empreinte carbone est le gramme de CO2 équivalent par kilomètre parcouru (gCO2eq/ km). La Base Carbone de l’ADEME met à disposition des facteurs d’émissions par gamme de véhicules et type de motorisation.
Il faut garder à l’esprit que de nombreux facteurs vont cependant influencer l’empreinte carbone d’une voiture donnée, notamment :
Du point de vue de la carrosserie et du châssis, les voitures électriques et thermiques sont sensiblement les mêmes. La différence se situe principalement dans la présence d'une batterie pour les voitures électriques, et les matériaux nécessaires à sa fabrication.
De ce fait, la voiture électrique a un impact carbone bien plus important que la voiture thermique à l’étape de fabrication. Selon l’ADEME, elle émettrait 50% de plus à ce stade que la voiture thermique (autrement dit, la batterie représente environ 50% des émissions de la fabrication du reste du véhicule).
En effet, la fabrication des batteries électriques nécessite de nombreux matériaux (cobalt, graphite, lithium, nickel…) et des procédés très énergivores (en particulier le raffinage). De plus, les batteries électriques restent à ce jour majoritairement fabriquées en Chine, où l’électricité provient en grande partie de centrales à charbon (610gCO2e/kWh d’électricité en 2020, soit 10 fois plus qu’en France !). Toutefois, l’Europe tente de combler son retard et de nombreux projets d’usines de fabrication de batteries électriques sont actuellement en préparation.
Les émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation concernent :
Les résultats de la comparaison sur cette phase vont donc être très dépendants du mix électrique du pays dans lequel circule le véhicule. En France, où l’électricité est majoritairement produite grâce à l’énergie nucléaire et l’hydroélectricité (deux sources peu carbonées), les émissions de la voiture électrique s’avèrent bien plus faibles que celles de la voiture thermique en phase d’utilisation.
Comparaison de l’empreinte carbone en phase d’usage
Source : Carbone 4
Le recyclage des matériaux à la fin du cycle de vie d’un véhicule constitue un moyen supplémentaire pour réduire son empreinte carbone globale. Près de ⅔ des véhicules sont ainsi envoyés dans filière des VHU (véhicules hors d’usage), qui atteint 95% de réutilisation et de valorisation, mais les batteries engendrent de nouveaux enjeux.
Concernant le recyclage ou la seconde vie possible des batteries Lithium-ion (Li-ion) des véhicules électriques :
💡 Selon Carbone 4, les batteries Li-ion sont actuellement recyclables à hauteur de 50% par pyrométallurgie et pourraient l’être jusqu’à 80-90% avec de nouveaux procédés. Pour autant, moins de 5% des batteries Li-ion sont recyclées en pratique.
La voiture hybride conjugue un moteur thermique et un moteur électrique. On distingue :
La voiture hybride rechargeable constitue à première vue une solution intéressante mais son efficacité sur le plan écologique apparaît plus limitée que la voiture électrique et dépend très fortement de sa bonne utilisation. En effet, selon Carbone 4, la voiture hybride rechargeable ne permet qu’un gain carbone de 15-20% (contre 60-70% pour la voiture électrique) par rapport à la voiture thermique. Cela est dû aux raisons suivantes :
En se fondant sur cette logique du cycle de vie, voici un exemple typique comparant l’empreinte carbone d’une voiture thermique et d’une voiture électrique de taille équivalente et sur toute leur durée de vie (soit un kilométrage total d’environ 200 000 km) en France.
Comparaison des émissions de gaz à effet de serre en gCO2e / km en France
Source : Analyse Carbone 4
Selon les chiffres du cabinet de conseil Carbone 4, une citadine thermique utilisée en France émettrait donc 2,5 plus de gaz à effet de serre que son équivalent électrique sur toute sa durée de vie. En effet, les réductions d’émissions à l’usage de la voiture électrique permettent généralement de compenser largement les émissions supplémentaires résultant de sa fabrication. Ainsi, sur l’exemple ci-dessus, l’impact carbone de la batterie se trouve contrebalancé par les faibles émissions de l’électricité au bout de 50 000 kilomètres seulement.
Ainsi, on peut raisonnablement conclure qu’un véhicule électrique émet moins qu’un véhicule thermique analogue si les deux conditions suivantes sont respectées :
D’autres études ont abouti à des conclusions similaires. On peut citer notamment :
Si l’on prend en compte les évolutions du mix électrique dans la plupart des pays du monde (notamment le développement important des énergies renouvelables), tout comme l’amélioration des technologies de batteries, il y a fort à parier que l’empreinte carbone des voitures électriques va très probablement encore diminuer dans les prochaines années.
Pour nous, la réponse est évidente : dans tous les cas ! En effet, à la fois pour des raisons environnementales et réglementaires (interdiction du thermique en 2035), le passage à l’électrique deviendra de toute façon, à terme, obligatoire pour tous.
La question est donc plutôt : dans quels cas est-il avantageux de passer le cap dès maintenant ? Trois éléments principaux peuvent vous guider dans votre réflexion.
Le premier critère à prendre en compte sera l’usage envisagé pour la voiture, en particulier le type de déplacements. En effet, la voiture électrique possédant une autonomie moyenne de 300 km (batterie de 50 kWh), elle est particulièrement adaptée pour des trajets courts ou moyens (exemples: trajets domicile-travail de 20 km aller-retour). Au-delà, il sera nécessaire de la recharger en cours de trajet ce qui peut être simple dans des zones urbaines (où les bornes de recharge sont de plus en plus abondantes) mais plus problématique dans des zones rurales.
💡 Rappelons toutefois que 95% des déplacements en voiture des Français ne dépassent jamais les 300 km et que de nombreux modèles dépassent déjà cette autonomie. Concernant la mise en place des bornes de recharge, il faut noter une accélération importante sur ces dernières années (+55% en 2021 !).
Principalement pour des raisons environnementales, investir dans une voiture électrique n’a que peu d’intérêt pour des trajets ponctuels (exemple : utilisation une fois par mois). En effet, cela ne permettrait pas d’amortir l’impact carbone résultant de la fabrication du voiture. Au contraire, cela sera beaucoup plus pertinent pour des trajets fréquents.
Un véhicule électrique reste à ce jour plus cher à l’achat que son équivalent thermique. Néanmoins, pensez aux aides de l’Etat (bonus écologique, prime à la conversion, aide à l’achat de bornes de recharge à domicile). Il faut aussi noter que le prix d’usage de la voiture électrique s’avère au contraire plus faible (coût d’entretien réduit, moins de visites techniques nécessaires, électricité peu chère, etc.), ce qui induit au final un coût global de possession (TCO - Total Cost of Ownership) plus faible sur l’ensemble de la durée de vie du véhicule (entre -5 et -15% par rapport à son équivalent thermique).
C'est notamment ce qu'a révélé une étude de l'institut UFC Que Choisir en juin 2021, puisque le coût de détention, qui est calculé en fonction du coût d'amortissement, de la fiscalité (taxes ou subventions), de l'énergie, de l'entretien et de l'assurance, est moins élevé pour les voitures électriques de petit (par exemple une Renault Clio ou une Renault ZOE) et moyen (monospaces compacts et berlines familiales de type Renault Megane IV ou Tesla Model 3) gabarits que pour tout autre type de motorisation. Pour les gros gabarits (grandes berlines ou SUV de type Renault Captur ou Hyundai Kona), le coût de détention devient moins élevé au bout de 5 ans d'utilisation.
Au-delà du débat “thermique vs. électrique”, la transition bas-carbone nécessite de repenser les usages de la voiture individuelle et donc plus globalement de la mobilité. Même si la voiture électrique s’avère moins “impactante” que son équivalent thermique, on ne peut raisonnablement envisager de continuer à considérer la voiture individuelle même électrique comme une solution suffisante, avec propriété exclusive et garée la plupart du temps… L’idéal reste donc (quand c’est possible) de se tourner autant que possible vers d’autres formes de mobilité active, du covoiturage, de l’autopartage, ce qui peut permettre dans certains cas de ne pas posséder de voiture.
En effet, au-delà de l’empreinte carbone, la voiture électrique génère également d’autres impacts environnementaux, notamment en termes d’épuisement des ressources (métaux rares), mais aussi sociaux (conditions de travail dans les mines d’extraction, etc.). Nous risquons tout simplement de ne pas disposer d’assez de ressources non renouvelables pour remplacer les 1,2 milliards (!) de véhicules thermiques sur Terre par de l’électrique !
Sans être la “solution miracle”, la voiture électrique doit ainsi avant tout être perçue comme un outil à mobiliser pour accélérer la transition bas-carbone. Il est également essentiel de développer et favoriser d’autres modes de déplacements alternatifs :