Nous remercions tout particulièrement nos partenaires experts du sujet pour leur relecture et leurs contributions à cet article : Charlotte Olagne d'ecotree, Thaïs Drozdowski d'Inuk et Fanny Pignères de Rize.ag
La compensation carbone trouve ses fondements dans le concept de neutralité carbone qui vise à atteindre, à l’échelle mondiale, l'équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre émises et les émissions capturées et stockées.
Etant donné que “le carbone ne s'arrête pas à la frontière”, il est donc en principe possible de compenser “ailleurs” les émissions émises “ici” : la compensation carbone permet ainsi à un financeur (entreprise, collectivité ou particulier) de financer un projet de réduction ou de séquestration d’émissions de gaz à effet de serre autres que celles découlant de sa propre activité.
Chaque tonne équivalent CO2 réduite ou séquestrée par le projet donne lieu à l’émission d’un crédit carbone remis au financeur. Il s’agit en quelque sorte d’un document certifiant que l’émission de gaz à effet de serre a bien été évitée ou séquestrée.
Le premier mécanisme de compensation carbone a émergé dans les années 90 avec la ratification du Protocole de Kyoto qui met en place un marché réglementé de la compensation carbone. Ce marché s’adresse aux entreprises soumises à une obligation réglementaire de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, via un système de quotas.
Parallèlement à ce marché réglementé s’est développé un marché de la compensation volontaire accessible à tout acteur, quel que soit son secteur d’activité. Ce marché présente une plus grande flexibilité car contrairement au marché réglementé, la certification des projets n’est pas obligatoire.
🧐 Même s’ils restent peu importants par rapport au marché réglementé, les marchés de compensation volontaire connaissent une croissance rapide ces dernières années et auraient dépassé 1 milliard de dollars en valeur marchande en 2021 selon les chiffres de l’Ecosystem Marketplace (+35% par rapport à 2020 !).
Depuis quelques années, de nombreux acteurs et experts (tels que la Net Zero Initiative) plaident pour remplacer le terme de “compensation carbone” par celui de “contribution carbone”. En effet, la notion de “compensation” renverrait à l’idée (fausse) selon laquelle il serait possible d’annuler son propre impact carbone par l’achat de crédits carbone et sans réduire en parallèle ses propres émissions.
Or, ce raisonnement est critiquable pour deux raisons :
La compensation carbone doit donc être considérée comme un outil complémentaire et qui doit intervenir parallèlement à la réduction des émissions sur sa propre chaîne de valeur. Grâce à elle, les entreprises peuvent “contribuer” à la neutralité carbone au niveau mondial.
Comment l'indique ecotree dans son manifeste carbone, " le meilleur CO2 n'est pas celui que l'on compense mais celui que l'on n'émet pas. Pour atteindre cette neutralité carbone globale, les sociétés humaines doivent agir sur deux grands leviers : la réduction des émissions et l’augmentation des puits de carbone, notamment forestiers."
Les projets de compensation carbone peuvent être regroupés sous deux catégories principales :
Fanny Pignères, responsable partenariats chez Rize.ag, une start-up qui finance des projets agro-écologiques, précise que “certains projets de contribution carbone, comme les projets d’agriculture régénérative, permettent par la diversité des leviers qui y sont associés, à la fois de séquestrer du carbone (par la couverture des sols par exemple), mais aussi de réduire les émissions de gaz à effets de serre (par un changement de fertilisation…).”
Selon les projets, la nature physique des crédits carbone peut être différente, comme l'indique le schéma ci-dessous :
Derrière le terme général de "contribution carbone", il existe une grande diversité selon le type de projet, leurs co-bénéfices (i.e. les autres avantages hors carbone). Voici un tableau pour y voir plus clair :
Certains projets ont néanmoins des limites, ou l'objectif de capture de carbone peut entrer en conflit avec d'autres enjeux comme la biodiversité. D'après ecotree, "la course au carbone et à sa séquestration mène parfois au non-sens. Il est en effet avéré qu’une forêt de production de résineux en monoculture offre un haut potentiel de séquestration de carbone, parfois plus important que celui d’une forêt aux multiples essences, et qui fait pourtant la part belle à la régénération naturelle et à la biodiversité.”
“Le potentiel de décarbonation est particulièrement marqué pour les projets agricoles en France”, indique Thaïs d’Inuk. “Les projets d’énergies renouvelables ont l’avantage de quantifier plus facilement les émissions évitées, comparées à d’autres solutions”
L’évaluation de son empreinte carbone par la réalisation d’un bilan carbone est une première étape primordiale qui permet à l’entreprise de visualiser clairement ses principaux postes d’émission et les plans d’action à mettre en œuvre. Il s’agit ensuite et prioritairement de réduire ces émissions, une contribution à la neutralité pouvant être lancée comme une action parallèle.
Sur le choix du projet de compensation carbone, l’ADEME a publié en 2019 un guide de bonnes pratiques à destination des financeurs qui encourage à respecter les critères suivants :
La compensation carbone fait appel à une multiplicité d’acteurs : développeurs de projet, porteurs de projet, consultants, auditeurs, courtiers carbone… La présence de tous ces différents intermédiaires n’est pas sans risque, notamment en termes de transparence. En tant que financeur, il est donc important d’être attentif à la crédibilité des projets proposés et à la qualité des parties prenantes, en prenant notamment en compte la transparence et la connaissance des différents intermédiaires.
Pour être considéré comme “fiable”, un projet de compensation carbone doit respecter cinq critères principaux :
Le marché de la compensation carbone volontaire a considérablement souffert d’un manque d’encadrement, de réglementation et de normes, entraînant la commercialisation de crédits carbone non uniques ou correspondant à des projets non additionnels par des acteurs peu scrupuleux…
La tendance est désormais à une plus grande recherche de qualité dans les projets mis en œuvre. Des certifications ont ainsi vu le jour pour mettre en valeur les projets qui suivent des processus de vérification rigoureux. On peut citer notamment les labels privés Verra et Gold Standard à l’international, ou encore Inuk qui a choisi de créer son propre mécanisme de certification. En France, le Label bas-carbone permet depuis 2019 à certains projets de bénéficier d’une certification reconnue par le Ministère de la transition écologique et solidaire.
💡 La Commission Européenne vise également à établir d’ici fin 2022 un cadre de certification pour les projets d’absorption de carbone. Un appel à contributions publiques a été lancé en ce sens le 8 février 2022.
Le mécanisme de la compensation carbone, en particulier volontaire, présente certaines limites qui continuent à être fréquemment dénoncées :
💡 Le prix à la tonne de CO2e évité des crédits carbone est très variable et peut aller de quelques centimes à un millier d’euros/tonne. Il dépend de plusieurs paramètres : coût de la main d'œuvre, technologie utilisée, etc. Ainsi, un prix élevé n’est pas forcément synonyme d’une meilleure qualité du projet !
Si ces difficultés rendent la compensation carbone imparfaite, elle n’en reste pas moins un outil nécessaire pour atteindre rapidement la neutralité carbone. En définitive, ses limites résident davantage dans une mauvaise compréhension et utilisation des crédits carbone par les entreprises que dans les projets eux-mêmes, dont les bénéfices tant sociaux qu’environnementaux sont réels.
💡 Dans un avis d’experts publié en février 2022, l’ADEME donne un certain nombre de recommandations et bonnes pratiques à l’ensemble des acteurs souhaitant communiquer efficacement sur leurs engagements climatiques et notamment sur la mise en œuvre de projets de contribution carbone.
Il existe de nombreux acteurs dont la mission est d’accompagner les entreprises dans leur projet de compensation carbone. Nous vous présentons 3 de nos partenaires, dans l'agriculture (Rize.ag), les projets forestiers (ecotree) et les énergies renouvelables (Inuk).
ecotree est une jeune entreprise, labellisée B Corp, qui a pour vocation d’entretenir et de soutenir les massifs forestiers et leur biodiversité. Elle travaille au bon renouvellement et à la gestion durable de la forêt, à son adaptation au changement climatique, à la préservation et à la valorisation de sa biodiversité, à la reconnaissance de toutes ses multifonctionnalités, parmi lesquelles le stockage du carbone.
En s'engageant avec ecotree, les clients deviennent propriétaires d'arbres dans des forêts gérées durablement. Cela revient :
Nous avons développé notre propre méthodologie carbone, basée sur des itinéraires sylvicoles irréguliers, et dont le calcul est validé par Bureau Veritas.
Notre méthodologie carbone est une analyse prédictive, qui nous permet à la fois de modéliser le carbone stocké dans nos forêts dans les produits en aval dans la filière bois et leurs effets de substitution.
Inuk est une startup qui donne les moyens aux entreprises et aux particuliers de contribuer à la réduction des émissions carbone. Nous proposons un outil innovant qui permet de mettre en place la contribution carbone grâce aux énergies renouvelables, de manière transparente et traçable.
Chez Inuk, nous avons fait le choix de travailler uniquement avec des projets d’énergie renouvelable locaux pour deux principales raisons : ces projets nous permettent d’éviter des émissions ici et maintenant et d’assurer une grande transparence et mesurabilité. En effet, notre système blockchain Inuk est directement connecté aux compteurs de production d’énergie de nos producteurs partenaires, ce qui nous permet de calculer en temps réel les émissions évitées grâce aux projets.
Notre solution de contribution carbone a été conçue pour répondre aux principaux critères de l'ADEME : mesurabilité, additionnalité, pérennité, vérifiabilité et unicité.
Pour cela, notre solution repose sur le financement de deux types de projets d'énergie renouvelable : un déjà en opération (garantissant la mesurabilité des émissions de CO2 évitées) et l'autre en recherche de financement (garantissant l'additionnalité, c'est à dire le développement de nouveaux projets d'énergie renouvelable).
Nous sélectionnons les projets partenaires avec soin et les accompagnons sur toute leur durée de vie, assurant ainsi la pérennité de l’évitement des émissions.
Toutes les données sont inscrites sur notre blockchain, ce qui équivaut à une sorte d’audit permanent et permet d’assurer la totale transparence et traçabilité de la contribution. Une fois vendus, les “tokens carbone” sont détruits, ce qui permet de garantir l’unicité des crédits carbone et ainsi d’éviter tout risque de double comptabilisation.
Nous sélectionnons nos projets partenaires selon les critères suivants :
Parmi les solutions de contribution à l’atténuation du changement climatique, Rize est une start-up à impact qui participe à l’accélération de la transition agro-écologique. Pour lutter contre le dérèglement climatique et favoriser la restauration des écosystèmes naturels, notre mission est de faciliter l’accès au financement carbone pour tous les agriculteurs en Europe.
Aujourd’hui, l'agriculture représente à elle seule 25% du total des émissions de gaz à effet de serre annuelles. En l'absence d'intervention, ce chiffre risque encore d’augmenter (30 à 40% d'ici à 2050).
Parallèlement, l’agriculture a le potentiel d'atténuer le changement climatique grâce à la capacité de ses sols à absorber du carbone. En Europe en particulier, on estime son potentiel de séquestration annuelle à 400 Mt CO2e, le plaçant en première place des puits de carbone naturels.
Chez Rize nous nous appuyons sur le premier cadre de certification français de projet de compensation volontaire, le Label bas-carbone, développé par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Nous sommes mandataires de projets agricoles et prenons en charge l’ensemble des étapes d’accompagnement, depuis le diagnostic initial jusqu’à la vente des crédits en passant par la mise en place d’un plan d’actions pour améliorer l’empreinte carbone. En partenariat avec des acteurs de terrain (coopérative, négoces, chambres d’agriculture, conseillers indépendants, etc.) cet accompagnement s’étend sur cinq ans, durée retenue par le Label Bas Carbone pour assurer la pérennité des pratiques.
Aujourd’hui, les agriculteurs que nous accompagnons ont un projet de transition agroécologique en France : ils sont majoritairement en grandes cultures (céréales, oléagineux, protéagineux) ; et au-delà du carbone, les pratiques qu’ils mettent en place, dites de l’agriculture régénératrice, améliorent la santé du sol et apportent de nombreux co-bénéfices tels que la préservation de la biodiversité, une meilleure qualité de l’air et de l’eau, ou la résilience face au changement climatique.
Pour une organisation ou des particuliers qui souhaiteraient s’engager dans une démarche de compensation de leurs émissions résiduelles, notre plateforme intègre la vente de ces crédits.
Pour assurer la qualité agronomique de nos projets, nous travaillons main dans la main avec des acteurs de terrain (coopérative, négoces, chambres d’agriculteurs, conseillers indépendants, etc.) qui apportent le conseil nécessaire à la réussite de la transition agroécologique.
Le choix de nous inscrire dans le cahier des charges reconnu du Label Bas Carbone, nous assure de proposer des crédits robustes qui répondent aux différents critères, comme l’additionnalité, la pérennité ou la vérifiabilité à travers un audit final indépendant. Pour faciliter le parcours administratif des agriculteurs et renforcer la traçabilité de nos projets, nous incluons des technologies de suivi par imagerie satellitaire.