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Décarboner la logistique longue distance : quels enjeux et quelles solutions ?

Alors que le gouvernement vient d’annoncer un certain nombre de mesures pour décarboner le secteur maritime, quels sont les enjeux de la réduction des émissions de la logistique longue distance et quelles solutions existent à ce jour ? C’est ce que nous vous proposons d’analyser dans cet article complet !

Temps de lecture : 10 minutes

Merci à Charles Dubouix d’Ovrsea pour sa contribution à cet article. OVRSEA est un commissionnaire de transport combinant digital et expertise métier pointue. Leur objectif : rendre votre supply chain plus efficace, résiliente et durable. 

Décarbonation de la logistique longue distance : contexte et enjeux

Loin d’être un secteur secondaire, le transport de marchandises longue distance constitue une activité essentielle au bon fonctionnement de notre économie mondiale et interconnectée.

Le transport de marchandises est également à l’origine de 7%* des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Sa décarbonation représente donc un enjeu crucial pour lutter contre le changement climatique et atteindre la neutralité carbone en 2050.

(*Ce chiffre inclut tous les modes de transport, pas uniquement le transport longue-distance : transport routier courte et longue distance, fret maritime, fluvial, ferroviaire et aérien.)

D’autant plus que la tendance est loin d’être à la baisse. Depuis les années 1970, le tonnage de marchandises (soit le nombre de marchandises transportées multipliée par la distance en kilomètres) transportées par voie maritime est ainsi passé de 2,5 milliards de tonnes à 8,4 milliards de tonnes en 2010.

Évolution du tonnage de marchandises transportées par voie maritime de 1970 à 2010
Évolution du tonnage de marchandises transportées par voie maritime de 1970 à 2010. Source

Plus globalement, les émissions liées au transport de marchandises augmentent d’environ 2% par an depuis les années 2000 et selon le Shift Project, les livraisons liées au “e-commerce” pourraient suivre la croissance importante des quatre dernières années soit 9% par an.

Les différents modes de transports en logistique longue-distance

Il existe cinq types de modes de transport principaux en logistique longue distance :

Mode de transport

Avantages

Inconvénients

Fret maritime
Pétroliers, vraquiers, navires-citernes, porte-conteneurs, etc.

  • Grandes capacités de stockage
  • Plus écologique que le transport terrestre ou aérien
  • Prix compétitifs pour la longue distance

  • Procédures longues (douane)
  • Délais de livraison longs
  • Incertitudes sur les arrivées et aléas fréquents
  • Impact sur la biodiversité marine
  • Forte variabilité des taux

Fret terrestre
Poids-lourds

  • Flexibilité
  • Direct (“Door-to-door”)
  • Rapide et économique pour les trajets courts
  • Offre diversifiée, adaptée aux spécificités
  • Réseau extrêmement maillé

  • Impact carbone élevé
  • Faible compétitivité sur les longues distances
  • Risque d’accident
  • Capacité de stockage réduite
  • Saturation des infrastructures
  • Pollutions atmosphérique et sonore

Fret aérien
Avions-cargo, avions-passagers, combi-avions

  • Rapidité
  • Adapté aux denrées avec contrainte de temps
  • Délais de transit courts
  • Fiabilité et sécurité

  • Coût élevé
  • Impact carbone très élevé
  • Inadapté aux marchandises pesantes ou très volumineuses

Fret ferroviaire
Trains de marchandises

  • Adapté à la longue distance
  • Grandes capacités de stockage
  • Faible impact écologique

  • Risque de manutention via les transbordements
  • Délais d’acheminement plus long que le transport terrestre et retards fréquents
  • Faible maillage du réseau (notamment en France)

Fret fluvial
Barges

  • Peu coûteux
  • Fiabilité
  • Sécurité
  • Faible impact carbone

  • Vulnérabilité vis-à-vis des sécheresses
  • Réseau faiblement maillé
  • Délais d’acheminement plus long que le routier

Selon les chiffres de l’OCDE, 92% des marchandises sont transportées par voie maritime ou par route (respectivement 70% et 22%). Le fret aérien reste pour l’instant anecdotique (0,2% du volume de marchandises transportées) mais connaît néanmoins une augmentation importante en raison de l’explosion du e-commerce.

répartition transport en volume vs émissions des transports
Répartition du mode de transport en volume dans le monde en 2019 (Source OCDE) vs Répartition des émissions du transport de marchandises au niveau mondial (Source AIE)

Les entreprises choisissent généralement entre ces différents modes de transport en fonction des produits à acheminer et des distances à parcourir. Dans certains cas, la combinaison de plusieurs modes (transport intermodal ou multimodal) peut être également avantageuse et moins coûteuse.

  • les matières premières sont généralement transportées par camions, trains, barges ou vraquiers
  • les énergies (pétrole, GNL, hydrogène) par bateaux (pétroliers, méthaniers), poids lourds, train ou pipeline
  • les produits manufacturés par voie maritime, terrestre ou aérienne
  • les produits agricoles et alimentaires par poids lourds (90% en France!), trains, bateaux ou avion

Certains produits présentent des contraintes physiques ou de temps qui nécessitent de privilégier un certain mode de transport. C’est le cas par exemple pour les denrées périssables, telles que les denrées alimentaires, ou encore les marchandises fragiles (produits pharmaceutiques), pour lesquelles le fret aérien est généralement privilégié car rapide et sûr. 

De même, le transport par voie maritime est particulièrement adapté au transport de matières premières qui nécessitent des infrastructures importantes au départ et à l’arrivée pour permettre leur stockage et distribution.

Émissions des différents modes de transport longue-distance

Le transport routier génère à lui seul les deux-tiers (66%) des émissions du transport de marchandises au niveau mondial. Il est suivi du transport maritime (24%) puis du transport aérien (5%, - ce qui est loin d’être négligeable et montre l’importance d’agir également sur ce volet).

répartition transport en volume vs émissions des transports
Répartition du mode de transport en volume dans le monde en 2019 (Source OCDE) vs Répartition des émissions du transport de marchandises au niveau mondial (Source AIE)

Le bilan carbone élevé de la logistique longue distance provient surtout de l’utilisation de carburants fossiles en particulier le diesel dans les camions, le fioul dans les navires et le kérosène dans les avions. 95% du fret mondial serait ainsi assuré par les énergies fossiles, dont 91% par du pétrole (!).

Dans un contexte où la disponibilité des énergies fossiles risque de diminuer au cours des prochaines décennies, il est donc impératif de réduire la dépendance aux énergies fossiles grâce à l’adoption de solutions alternatives plus durables et respectueuses de l’environnement.

Quels défis ?

Quels freins à la décarbonation ?

Malgré une pression politique croissante, la décarbonation totale du transport de marchandises se heurte à un certain nombre de freins parmi lesquels on peut notamment citer :

  • la complexité des chaînes logistiques caractérisées par de nombreux acteurs et propriétaires de nature hétérogène (transporteurs indépendants, grands réseaux). Par ailleurs, le développement de l’intermodalité, bien que favorable à des modes de transport plus écologiques, génère également davantage de ruptures de charges et de besoins en termes de manutention qu’un mode de transport plus flexible et “door-to-door”
  • Le besoin d'autonomie pour parcourir des longues distances parfois incompatible avec des énergies peu denses ou des motorisations lourdes (électriques)
  • les contraintes de temps et la nécessité de rapidité de livraison, notamment pour certains produits sensibles mais aussi pour les modèles d’affaires reposant sur la livraison rapide (exemples d’entreprises comme Shein, Temu). L’augmentation du niveau d’exigence des consommateurs en termes de disponibilité des produits et des délais constitue un frein réel au remplacement du fret aérien par des modes de transport plus écologiques mais moins rapides
  • les contraintes de coût et de disponibilité des énergies et matières premières : à l’heure où l’ensemble des secteurs énergétiques doivent se décarboner, la question de la disponibilité et du coût de certaines matières premières (exemple du lithium, cobalt et/ou nickel pour les batteries électriques) ou ressources (hydrogène bas-carbone, biogaz, biocarburant liquides) est réelle et représente un risque qui doit être pris en compte par les politiques publiques de décarbonation mises en place
  • le coût d'investissement et l’incertitude des technologies bas-carbone pour certains acteurs de la logistique longue distance : on peut citer notamment les transporteurs routiers pour qui l’électrification des poids-lourds est rentable sur la durée mais induit un fort investissement et un questionnement sur quel type de motorisation est préférable

Freins à la décarbonation de la logistique longue distance
Freins à la décarbonation de la logistique longue distance

Limiter les impacts environnementaux

Les émissions de gaz à effet de serre, principalement du dioxyde de carbone (CO2), constituent l’un des principaux impacts environnementaux liés au transport de marchandises.

En France, le transport (fret et passagers) est par ailleurs le secteur qui émet le plus d’émissions depuis les années 1998. Ainsi, en 2021, 39% des émissions françaises provenaient des activités de transports selon les derniers chiffres du CITEPA.

🔎 Focus

97% des émissions de gaz à effet de serre émis par les transports sont constituées de CO2 et proviennent de la combustion de carburants. Les émissions restantes sont principalement constituées :

    ➔ Des HFCs émis par les systèmes de climatisation des véhicules (2%) ;
    ➔ Du protoxyde d’azote (N2O), en augmentation depuis l’équipement de véhicules en pots catalytiques (1%)

Plus précisément, en France, le transport routier est à l’origine de 94 % des émissions de CO2 du secteur des transports, la majorité de celles-ci provenant des voitures particulières des ménages (53,6%), suivies des poids lourds (28,6%) puis des véhicules utilitaires légers (16,9%). 

Cependant, le poids des émissions des poids lourds, rapportées à la circulation (kilomètres parcourus par les véhicules), est plus important que celui des voitures particulières (5% de la circulation contre 76% pour les véhicules des particuliers).

Mais l’impact environnemental de la logistique longue distance va au-delà des seules émissions carbone, il faut notamment évoquer :  

  • la pollution de l’air résultant de l’émission d’autres polluants atmosphériques (particules fines, soufre par les navires, etc.). Ces polluants constituent un enjeu sanitaire majeur et ont des impacts sur la santé des populations et l’environnement. Notons cependant une diminution des émissions de polluants atmosphériques en France sur la dernière décennie grâce aux renouvellement du parc des véhicules routiers
  • les nuisances sonores générées par les différents modes de transports. Citons notamment la pollution acoustique occasionnée par les navires, qui impacte de manière importante les espèces marines
  • la pollution marine et les impacts sur les écosystèmes : déversement de produits toxiques en mer, collisions avec les animaux marins ou encore rejet des eaux de ballast qui peuvent avoir un impact négatif sur le milieu marin et générer la migration d’espèces invasives
  • l’artificialisation des sols et la fragmentation des réservoirs de biodiversité : selon l’INRAE, les transports seraient à l’origine de 30% de l’artificialisation des sols hors agriculture en France

Enfin, la pollution occasionnée par les déchets liés à la logistique longue distance représente également un enjeu environnemental majeur et loin d’être négligeable.

Exemple : la perte de conteneurs en mer est estimée entre 10 000 et 15 000 par an par le Centre de documentation de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) (soit 0,05% de pertes sur le volume total de conteneurs transportés).

Mesurer les émissions du fret international

Le calcul des émissions constitue la première étape cruciale pour pouvoir cibler les actions de réduction des émissions à mettre en place. 

Rappelons que la réalisation d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) constitue actuellement une obligation pour toutes les entreprises de plus de 500 salariés (article L229-25 du Code de l’environnement).

Notez-le

Dans le cadre de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive “CSRD”, la réalisation d’un bilan carbone sur les Scope 1, 2 et 3 sera un point de passage obligé pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés dès 2025.

Notons également que depuis 2011, les prestataires de transport doivent informer les utilisateurs de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés (article L1431-3 du Code des transports).

Les principes de calcul, communs à tous les modes de transport (ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien), ainsi que les modalités d’information du bénéficiaire sont précisés aux articles D1431-2 à D1431-23 du Code des transports.

L’approche de calcul des émissions la plus répandue (méthode Bilan Carbone® de l’ADEME) consiste à collecter les quantités de marchandises transportées par trajet et mode de transport, ainsi que la distance parcourue et les consommations de carburant

Si l’entreprise ne possède pas d’informations précises sur la consommation de carburant, elle peut utiliser les facteurs d’émissions de la Base Empreinte® de l’ADEME, l’unité de référence étant le kgCO2e/tonne.km (soit la quantité de gaz à effet de serre émise pour transporter une tonne de marchandises sur un kilomètre).

Exemples de facteurs d’émissions pour le transport de marchandises
Exemples de facteurs d’émissions pour le transport de marchandises. Source Base empreinte ADEME

En pratique, il est souvent difficile d’obtenir des données physiques précises sur l’ensemble des kilomètres parcourus par les marchandises pour une entreprise. Dès lors, il est d’usage de poser une hypothèse sur la part de chaque mode de transport.

La pratique du bilan carbone tend à se généraliser dans le secteur de la logistique longue distance. Ainsi, en 2022, 54% des chargeurs ont calculé leurs émissions contre à peine 41% en 2021. Néanmoins, ce chiffre est encore loin d’être suffisant dans un contexte où la décarbonation du secteur nécessite un effort important de l’ensemble des acteurs.

Notez-le

La dénomination de “chargeur” désigne le propriétaire des marchandises au moment de leur mise en transit, qu’il s’agisse d’un transport maritime, ferroviaire, routier ou aérien.

La mise en oeuvre d’un bilan carbone pour les entreprises de la logistique longue distance présente par ailleurs de nombreux avantages au-delà du strict calcul des émissions au premier rang desquels figurent notamment : 

  • une amélioration de l’image de marque de l’entreprise
  • une réduction des coûts d’exploitation liée à la diminution de la consommation de carburant et des émissions associées
  • l’anticipation des nouvelles réglementations qui vont vers une généralisation à toutes les entreprises de l’obligation de réaliser un bilan carbone

Sensibiliser les utilisateurs et clients

En tant que consommateurs, les utilisateurs et clients ont évidemment aussi un rôle plus en plus prépondérant à jouer dans la décarbonation de la logistique longue distance avec les pratiques de livraison à domicile. Il est donc important de les sensibiliser sur l’impact carbone du transport de marchandises et de les inciter à engager des actions concrètes en faveur d’une réduction des émissions liées au transport des produits qu’ils achètent, comme par exemple privilégier des produits locaux ou des livraisons lentes

Il est néanmoins important de comprendre que pour la plupart des produits, la part des émissions liées au transport reste limitée. En effet, les émissions liées à la fabrication représentent souvent la majeure partie de l’empreinte carbone d’un produit. Sauf dans certains cas précis comme les biens de consommation importés par avion, la consommation de produits locaux n’aura donc qu’un impact mineur sur la réduction des émissions liées au transport. 

De façon générale, il apparaît plus intéressant de se tourner préférentiellement vers des produits donc l’impact carbone global est faible. Et, pour les produits plus “carbonés”, de réfléchir aux alternatives possibles à l’achat neuf (location, achat d’un produit d’occasion, etc.).

Risques climatiques

Les risques climatiques, qu’ils soient physiques ou de transition, constituent également un défi de taille pour les sociétés de logistique longue distance. Certains risques se font d’ores et déjà sentir et vont impacter de façon croissante les différents modes de transport de marchandises. 

En voici quelques exemples :

  • fret maritime : depuis 2023, en raison du manque de pluie et de l’assèchement des lacs artificiels alimentant le Canal de Panama, le trafic a dû être fortement réduit sur cet axe. Plus généralement, les ports mondiaux sont directement exposés à la montée du niveau des eaux, à l’érosion côtière mais aussi aux événements climatiques violents (tempêtes, ouragans, etc.)
  • frets routiers et ferroviaires : augmentation du risque de déformation (flambement ou flambage) des routes, voies ferrées et ouvrages d’art en raison des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes
  • fret aérien : augmentation du risque de submersion pour de nombreux aéroports, pour la plupart situés sur des zones côtières de faible altitude, et augmentation des fortes turbulences en vol
  • fret fluvial : faible niveau des fleuves en période de sécheresse qui limite la taille des péniches pouvant circuler (à titre d’exemple, la sécheresse estivale de 2022 a fortement impacté l’activité de fret fluvial sur le Rhin)

La décarbonation du secteur des transports de marchandises s’avère donc également cruciale pour augmenter la résilience des entreprises face à ces différents aléas climatiques et garantir ainsi la sécurité d’approvisionnement.

Quelles solutions ?

Comme pour l’ensemble des secteurs économiques, il n’existe pas une seule réponse mais de nombreux leviers d’action qui doivent être combinés pour décarboner en profondeur le secteur de la logistique longue distance.

Quels sont les principaux leviers d’action ?

Comme le souligne le Shift Project, la consommation d’énergie et les émissions de la logistique longue distance s’expliquent notamment par cinq facteurs :

  1. la demande en transport de marchandises, calculée en nombre de tonnes transportées sur une certaine distance (t.km)
  2. les parts modales : autrement dit, la contribution de chaque mode de transport à cette demande
  3. le taux de remplissage : les tonnes moyennes transportées par chaque véhicule
  4. la consommation énergétique unitaire de chaque mode, soit la quantité d’énergie consommée pour tracter le véhicule sur un kilomètre
  5. le contenu carbone de l’énergie : soit la quantité de carbone émise lors de la consommation énergétique du véhicule

En pratique, on utilise généralement la décomposition suivante :

Par conséquent, la réduction des émissions du secteur de la logistique longue distance nécessite la mise en place de solutions permettant d’agir sur ces différents facteurs.

Le cabinet de conseil Carbone 4 classe ces leviers en deux catégories principales : les leviers de sobriété et les leviers technologiques.

Leviers de sobriété

Leviers technologiques

  1. Modération de la demande en transport et en matériel :
    • Optimisation des distances
    • Réduction de la taille des chaînes logistiques
    • etc.

  2. Report modal vers des modes de transport bas-carbone :
    • Fret ferroviaire
    • Fret fluvial
    • Vélo-cargo pour le “dernier kilomètre”

  3. Amélioration du taux de chargement de véhicules :
    • Regroupement des marchandises
    • Réduction de la fréquence de livraison
    • Réduction des retours à vide
    • etc.
  1. Baisse des consommations énergétiques des véhicules :
    • Renouvellement des flottes par des véhicules plus modernes et adaptés aux besoins
    • Promotion de l’éco-conduite
    • Optimisation technique
    • etc.

  2. Décarbonation du mix énergétique des modes de transport grâce à des modes de propulsion alternatifs

La mise en place de ces deux familles de leviers est indispensable pour atteindre les objectifs de décarbonation ambitieux fixés aux niveaux étatique et international. En effet, la technologie, bien que nécessaire, n’apparaît pas comme une solution suffisante pour décarboner la logistique longue distance et doit impérativement être couplée avec une démarche de sobriété et de modération de la croissance.

🔎 Focus

Selon le pour Shift Project, les leviers technologiques permettraient une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre des transports d’ici 2050 en France.

Les modes de propulsion alternatifs

Alors que les énergies fossiles sont encore massivement utilisées pour le transport de marchandises, l’usage de modes de propulsion alternatifs apparaît comme un des leviers technologiques les plus impactants pour décarboner la logistique longue distance. 

Ces différentes solutions alternatives peuvent être plus ou moins décarbonantes en fonction du type de matière première utilisée et de l’énergie consommée pour leur transformation.

Elles comprennent notamment : 

  • les bio-carburants : des carburants produits à partir de la biomasse (matières premières d’origine végétale, animale ou issues des déchets) et pouvant être incorporés dans les carburants traditionnels d’origine fossile. Ils se composent notamment du biodiesel (substitut au diesel) et de l’éthanol (substitut à l’essence)
  • le biogaz : le bioGNL, la version renouvelable du gaz naturel (fossile), pouvant être stocké compressée (GNC) ou liquéfiée (GNL), produit à partir de biométhane
  • l’électricité : l’électrification du parc de véhicules des poids-lourds apparaît comme l’un des moyens les plus efficaces pour réduire les consommations énergétiques du transport routier. Le temps de recharge et l’autonomie limitée (bien qu’en augmentation) des batteries constituent néanmoins encore des facteurs limitants pour la longue-distance
  • l’hydrogène bas-carbone : produit à partir d’énergies renouvelables
  • les carburants de synthèse : des carburants synthétisés à partir de sources d’énergie renouvelable et de CO2
Alternatives bas-carbone pour la mobilité
Alternatives bas-carbone pour la mobilité

Le tableau ci-dessous présente les principaux modes de propulsion utilisés actuellement dans les modes de transport de fret et leurs alternatives moins carbonées : 

Modes de transports

Modes de propulsion actuels

Modes de propulsion alternatifs

Fret routier

Principalement fiouls lourds

  • Électricité (batteries, autoroute électrique)
  • Biocarburants, notamment l’éthanol (substituant essence) et le biodiesel (substituant diesel)
  • Bio-GNV (biométhane)
  • Hydrogène décarboné
Fret maritime

Principalement fiouls lourds

  • Biocarburants
  • BioGNL
  • Méthanol, Hydrogène/Ammoniac
  • Carburants de synthèse
  • Propulsion vélique
Fret aérien

Kérosène

  • Biocarburants aériens (biokérosène)
  • Hydrogène
  • Carburants de synthèse

Cependant, la généralisation de ces modes de propulsion alternatifs se heurte également à certaines limites, notamment :

  • la disponibilité limitée des ressources : c’est notamment le cas pour la biomasse, qui pourrait être limitée et en forte concurrence dès 2030 selon le Secrétariat Général à la Planification Ecologique, mais aussi des énergies renouvelables (pour la production d’hydrogène bas-carbone) ou encore de certains métaux rares nécessaires à la fabrication des batteries électriques (cobalt, cuivre, lithium)
  • la nécessité d’une production décarbonée des énergies telles que l’électricité et l’hydrogène pour limiter les émissions carbone associées
  • pour la production des biocarburants, le risque d’une concurrence des usages, notamment avec l’alimentaire, mais aussi les impacts environnementaux liés à la production de biomasse (déforestation)
  • le faible rendement énergétique des carburants de synthèse par rapport à l’électricité
  • les tensions à venir sur le marché des batteries électriques avec d’électrification en cours du parc de véhicules. Ce risque pourrait néanmoins être limité par la construction d’autoroutes électrifiées pour les poids-lourds

En pratique, comme l’indique Carbone 4, il apparaît nécessaire de jouer entre ces différentes technologies en fonction du besoin du transport

Si l’on prend l’exemple du fret routier, bien que l’électrification des poids-lourds apparaissent comme la solution la plus impactante en termes de réduction des émissions carbone, elle peut encore difficilement être envisagée pour la longue distance. En effet, l’autonomie des batteries et le temps de recharge constituent encore des facteurs limitants et la rende donc (pour l’instant) plus adaptée pour la logistique urbaine et régionale.

Le report modal

Le report modal constitue un autre levier très impactant pour accélérer la décarbonation de la logistique longue distance. Il s’agit de recourir à l’utilisation de modes de transport plus écologiques, notamment le maritime porte-conteneurs, en remplacement ou en complémentarité des autres modes de transport.

Exemples : remplacer le fret routier par du ferroviaire et/ou du fluvial, remplacer le fret aérien par du fret maritime ou ferroviaire.

Scénario de réduction transport de fret Intensité carbone moyenne (émissions en gCO2e/ tonne.km)
Scénario de réduction transport de fret. Intensité carbone moyenne (émissions en gCO2e/ tonne.km). Source Base empreinte ADEME

Pour choisir le mode transport le plus adapté, il est recommandé de recourir à des simulations visant à calculer les impacts d’un report modal en termes de coût, de temps et d’émissions carbone

Au-delà de la réduction des émissions carbone, le report modal, notamment vers le fret maritime, ferroviaire et fluvial, peut également générer d’importantes économies financières. Ainsi, le remplacement du fret aérien au fret maritime permettrait de diviser les coûts associés entre 2 et 10.

D'après OVRSEA, qui accompagne des chargeurs à transitionner, le report modal aérien -> maritime représente un gisement d'économies de plusieurs centaines de milliers d'euros par an pour des entreprises du luxe, de la cosmétique ou de la mode. Le défi est d'aider leurs équipes transport à maintenir la même qualité de service, avec des temps de transit plus importants. Ce que l'on arrive à faire grâce au digital.

Enfin, on peut évoquer également le développement de nouveaux modes de transport moins “traditionnels” : transport de marchandises par dirigeables (société française Flying Whales), transport de colis par drones de livraison (cf cette étude réalisée par l’ADEME en 2020) mais aussi voiliers-cargo. S’ils sont encore marginaux à l’heure actuelle, leur potentiel ne doit pas être négligé pour autant.

Optimisation des itinéraires, de la vitesse et des processus logistiques

L’optimisation des itinéraires, de la vitesse et des processus logistiques constitue aussi un moyen-clé pour réduire les émissions du secteur de la logistique longue distance.

Cela passe notamment par : 

  • l’amélioration du taux de chargement des véhicules (regroupement des flux de marchandises, réduction de la fréquence de livraison et limitation des trajets à charge partielle ou à vide)

Notez-le

Le taux de chargement impacte directement le bilan carbone du mode de transport. En effet, plus un mode de transport est important, moins il est émissif compte tenu de la charge transportée grâce à l’effet d’échelle.

Ainsi, à taux de chargement égal, les camions de 3,5 à 7,5 tonnes sont 5 fois plus émissifs par tonne.km transportée que les poids-lourds de 44 tonnes

  • une meilleure gestion des itinéraires pour limiter les kilomètres parcourus. Au-delà de la réduction des émissions, une meilleure optimisation des itinéraires permet également de garantir des livraisons à temps et de réduire les coûts d’exploitation

🔎 Focus

De nombreuses technologies se développent pour aider les entreprises à optimiser la logistique de leur chaîne d’approvisionnement. Ainsi, la solution d’optimisation et de gestion des flux internationaux OVRSEA agit notamment pour plus de transparence dans le secteur de la logistique longue distance et pour une réduction des émissions globales de gaz à effet de serre.

L’optimisation des flux logistiques passe également et nécessairement par le développement de davantage d’infrastructures d’intermodalité pour simplifier le passage d’un mode de transport à un autre en évitant les ruptures de charges.

Par ailleurs, la décarbonation du “dernier kilomètre” - soit la dernière étape de la chaîne d’approvisionnement qui permet l’acheminement au client final - représente un enjeu crucial dans le sens où celle-ci totalise à elle seule en moyenne 25% des émissions de gaz à effet de serre du transport global. Plusieurs solutions peuvent être déployées telles que : 

  • la mise en place de solutions de mutualisation
  • le report modal
  • la mobilisation de VUL électriques
  • l’utilisation de vélos-cargo à assistance électrique
  • etc.

Notez-le

La publication de l’ADEME “Transition(s) 2050 - Logistique des “derniers kilomètres” vise à détailler les principaux enjeux pour les acteurs de la logistique et propose des pistes pour les différentes actions de décarbonation à mettre en place.

Quels scénarios ?

Quelle trajectoire de décarbonation en France ?

En France, la Stratégie Nationale Bas-Carbone constitue la feuille de la route de la transition bas-carbone en France pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle définit notamment, pour chaque secteur d’activité, des objectifs de réduction des émissions à court et moyen terme sous forme de budgets carbone.

À l’origine de 30% des émissions nationales de gaz à effet de serre, le secteur des transports fait partie des secteurs économiques prioritaires visés par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) en France. 

Ce chiffre ne tient cependant compte que des émissions directes des véhicules sur le territoire national, hors transports internationaux. Plus précisément, le fret représente environ un tiers des émissions totales des transports soit 10% des émissions de gaz à effet de serre nationales.     

Pour le secteur des transports, la SNBC vise les objectifs ambitieux d’une réduction de 28% des émissions du secteur en 2030 (par rapport à 2015) et d’une décarbonation complète du secteur en 2050.

Scénario de décarbonation du transport de la SNBC en 2030 et 2050
Scénario de décarbonation du transport de la SNBC en 2030 et 2050

Cette stratégie de réduction définie 5 piliers pour la décarbonation des transports : 

  1. la décarbonation de l’énergie consommée dans les véhicules
  2. l’amélioration de leur performance énergétique
  3. la maîtrise de la croissance de la demande 
  4. le report modal vers des modes de transport moins émetteurs
  5. l’optimisation de l’utilisation des véhicules

Le fret de marchandises est pris en compte de manière globale à travers les objectifs fixés pour le secteur des transports en général (fret et transport de voyageurs).

La coordination de la planification écologique relève du Secrétariat Général à la Planification écologique (SGPE) qui a publié plusieurs plans sectoriels fixant les principaux leviers de décarbonation à mettre en place. Pour la réduction de l’empreinte carbone des flux logistiques, les principaux objectifs concernent : 

  • l’adoption de comportements sobres (baisse de la vitesse et consommation du carburant pour le maritime, maîtrise de la demande en matière de logistique, etc.)
  • l’augmentation de la part du ferroviaire de 10% à 18% et du fluvial de 2 à 3%
  • l’électrification des poids lourds et véhicules utilitaires
  • le renforcement de l’efficacité énergétique des véhicules
  • l’utilisation de carburants durables
Détails des leviers identifiés pour baisser les émissions du transport terrestre de marchandise et du transport international (aérien, maritime).
Détails des leviers identifiés pour baisser les émissions du transport terrestre de marchandise et du transport international (aérien, maritime). Source SGPE

Quels scénarios pour la logistique longue distance ?

L’élaboration de scénarios prospectifs est un outil nécessaire pour alimenter la définition et la mise en oeuvre des stratégies politiques nationales et internationales

Elle permet notamment d’explorer les conséquences concrètes (économiques, technologiques, environnementales, sociales) des politiques publiques mais également les éventuels freins à leur mise en place.

Plusieurs travaux méritent à ce titre d’être mentionnés : 

Citons également les travaux du Shift Project dans le cadre du plan de transformation de l’économie française (PTEF) et particulièrement le rapport de mars 2022 “Assurer le fret dans un monde fini” qui propose aux décideurs publics des solutions pragmatiques pour décarboner le secteur du fret en France.

Enfin, l’initiative Science-Based Targets (SBTi) établit des outils et standards pour aider les entreprises à définir une trajectoire ambitieuse de réduction de leurs émissions en conformité avec la science. Des méthodologies précises sont définies pour chaque secteur d’activité et notamment pour le secteur des transports.

Conclusion

Essentiel au bon fonctionnement de notre économie, le secteur de la logistique longue distance doit néanmoins subir une transformation profonde pour permettre l’atteinte des objectifs climatiques. En France, la Stratégie Nationale Bas-Carbone vise ainsi l’objectif particulièrement ambitieux d’une décarbonation complète du secteur des transports d’ici 2050.

Cette trajectoire de décarbonation nécessite la mise en oeuvre de leviers technologiques combinés à des leviers de sobriété, nécessaires pour limiter l’impact carbone lié à la hausse inévitable de la demande de transport de marchandises dans les prochaines décennies.

Face à ces enjeux, les entreprises ont un rôle important à jouer en agissant dès maintenant pour réduire drastiquement les émissions carbone de leur chaîne d’approvisionnement. Il incombe également à chacun de nous de mener une réflexion sur les moyens de réduire la part “transport” de notre empreinte carbone individuelle.

La route est encore longue mais des solutions existent et de nombreux acteurs agissent d’ores et déjà pour favoriser un transport de marchandises plus respectueux de l’environnement. Citons notamment l’entreprise britannique TOWT qui développe une solution logistique innovante et bas-carbone sous la forme de voiliers-cargo d’une contenance de 1100 tonnes (soit 30 fois plus que les voiliers existants!).