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A l’occasion d’un afterwork sur le thème du tourisme durable, le Centre Juno Beach (CJB) a présenté sa démarche de transition bas-carbone aux côtés d’Aktio. Cet évènement, organisé par Normandie Tourisme et ATD, rassemblait plusieurs acteurs du secteur ancrés sur le territoire, afin d’aborder le sujet de l’impact environnemental d’une activité touristique sous plusieurs angles :
Merci à Fabienne De Chassey et Julien Buot pour l’organisation de cet événement, ainsi qu’à Nathalie Worthington pour l’accueil au CJB.
Bien que la crise sanitaire du Covid-19 ait fortement ralenti le secteur du tourisme, elle a également donné l’opportunité aux différents acteurs de transformer leurs activités pour les rendre compatibles avec un monde plus durable.
Réduire les émissions du secteur nécessite tout d’abord de les mesurer pour en comprendre les principaux enjeux. L’ADEME, dans un récent rapport “Bilan des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France” estime que le tourisme représente 7,5% du PIB français en 2019, et est responsable de 11% des émissions territoriales de gaz à effet de serre (GES).
D’après le rapport, le transport représente plus des trois quarts des émissions du secteur dont deux tiers sont dus aux déplacements des visiteurs pour se rendre et repartir des sites touristiques.
Deux paramètres majeurs influent sur les émissions de GES causées : la distance parcourue et le mode de transport. L’avion génère plus de la moitié des émissions, pour seulement 12% des voyages. Le rapport souligne également la part prépondérante des visiteurs étrangers (80% des émissions de ce poste) ayant de plus longues distances de trajet. D’autre part, les voyages internes présentent un potentiel de réduction important à travers le report modal notamment, en privilégiant le train plutôt que la voiture par exemple.
Ces enseignements tirés des chiffres nationaux se vérifient dans le bilan carbone du Centre Juno Beach. Ce musée et lieu culturel accueillait en 2019 plus de 100.000 visiteurs pour rendre hommage aux Canadiens qui ont perdu la vie au cours de la Seconde Guerre mondiale. La démarche initiée pendant le Covid a été l’occasion de lancer la réalisation d’un premier bilan carbone (exercice renouvelé deux fois depuis) et de mettre en place une réelle stratégie RSE à 360° dont le bilan carbone a été la porte d’entrée.
En 2019 nous avons pris conscience de la nécessité de faire notre part en tant que musée en matière de respect de l’environnement. Nous limiter à des listes de gestes écoresponsables ne pouvait pas constituer une stratégie à la hauteur des enjeux. Grâce au Bilan GES nous avons pu cerner aussi bien la nature que la mesure de notre empreinte carbone directe et indirecte. Le plan d’action global qui en a résulté s’inscrit dans une démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) mais c’est le bilan GES qui a été la porte ouverte vers toute notre démarche et qui aujourd’hui donne le cap de notre engagement.
Nathalie Worthington, directrice du Centre Juno Beach
La déclaration de Glasgow a été signée lors de la COP26 en 2021 par des acteurs du tourisme pour exprimer leur engagement dans l’action climatique du secteur. Ils s’engagent notamment à travers 5 axes d’interventions communs pour réduire de moitié leur empreinte carbone dans la décennie et atteindre le plus rapidement possible le “zéro émission nette”.
Ce type d’annonces (nécessaires mais non suffisantes pour limiter le réchauffement climatique en dessous des 1,5°C visés par les Accords de Paris), témoigne de la prise de conscience du secteur, et ouvre la voie à un passage à l’action collectif et organisé à l’échelle locale prioritairement.
L’exemple du CJB démontre qu’il est possible d’engager des changements ambitieux et adaptés aux résultats de son bilan pour réduire efficacement son empreinte.
En seulement 3 ans, le CJB a mis en place un plan d’action complet qui lui a permis de réduire significativement son intensité carbone (émissions par visiteur en kgCO2eq/visiteur). Des actions transverses comme la mise en place du tarif bas-carbone ont permis des changements profonds des pratiques des visiteurs.
Clément Rolland, expert carbone Aktio
Une multitude d’autres actions ont permis au musée de réduire son intensité carbone sur l’ensemble de son périmètre. Ces actions sont de l’ordre du “simple” changement de pratiques, de mesures de sobriété, de changements pouvant induire des surcoûts, et parfois d’investissements pour lesquels le musée a été soutenu par la Région Normandie et a bénéficié du Fonds européen de développement régional (FEDER) dans le cadre du dispositif « Aide à la transition écologique et numérique des acteurs du tourisme ».
Voici des exemples des principales actions de réduction mises en place par le CJB, issus du bilan carbone :
Ce plan d’action permet également au CJB de se projeter vers l’avenir en se fixant des objectifs compatibles avec les engagements nationaux et internationaux.
Les initiatives développées au tiers-lieu l’Arbre mettent aussi en avant des solutions concrètes qui permettent de construire une nouvelle forme de tourisme, interconnectée avec les acteurs de son territoire et compatible avec un monde plus soutenable. Les actions régionales ont également été présentées lors de l'événement, et sont consultables sur le Plan d’actions 2022 du Tourisme responsable.
Il existe de nombreux acteurs dans le secteur du tourisme qui cherchent également à réduire l'impact carbone dU secteur. C'est la mission que s'est donnée GreenGo en proposant des hébergements touristiques écologiques pour inciter à voyager bas carbone et pour sensibiliser à la beauté des paysages français pour les vacances. Une belle manière de réduire l'impact carbone du tourisme en France !
Responsable de 82% du bilan du CJB en 2019, le poste des transports a fait l’objet d’actions de réduction adaptées et innovantes pour que les émissions par visiteur (intensité carbone en kgCO2eq/visiteur) soient réduites de 72% entre 2018 et 2021, résultat de plusieurs autres facteurs dont la crise liée au Covid-19, qui a modifié le panel d’origines des visiteurs.
Il n’existe pas de solutions universelles mais les idées déployées par le CJB pourront à coup sûr inspirer d’autres structures.
En témoigne le tarif bas carbone : une offre permettant à un visiteur de bénéficier d’une réduction s’il s’est rendu sur le site via une mobilité durable, c'est-à-dire en train, en bus ou à vélo. Pour rendre cela possible, le CJB a notamment investi dans la construction d’un abri à vélo équipé qui a remplacé trois emplacements de parking pour laisser place aux vélos plutôt qu’aux automobiles. Il s’est également ancré dans une dynamique territoriale en signant un partenariat avec les acteurs régionaux de transport (SNCF et KEOLIS) afin de faciliter la mise en œuvre de cette action, illustrant les synergies possibles et nécessaires entre les différents acteurs d’un même territoire.
Les visites virtuelles constituent également une solution à très fort potentiel pour réduire les déplacements de certains visiteurs tout en diffusant la richesse culturelle du musée au-delà des frontières. C’est aussi un exemple de l’apport que peut représenter le numérique dans la transition écologique, lorsqu'il est utilisé à bon escient.
Un sondage auprès des participants de l’évènement sur les principaux freins qui les empêchent de mesurer leurs émissions de GES a dévoilé les résultats suivants, par ordre d’importance :
A noter qu’aucune personne n’a répondu “Je n’en vois pas l’intérêt”, soulignant la prise de conscience grandissante des acteurs du tourisme sur le sujet.
Cela illustre le besoin des acteurs du tourisme de disposer d’outils faisant gagner du temps, davantage adaptés à leurs moyens et s’adaptant à leur niveau de maturité, objectifs affichés de la plateforme Aktio adoptée par le CJB.
De plus, il est nécessaire d’engager l’ensemble des parties prenantes dans la démarche de transition bas-carbone. Un exercice ponctuel et isolé ne permettra pas d’organiser des changements structurants. Il est donc nécessaire de sensibiliser, de former, de diffuser, en interne bien sûr, mais également en externe, en ancrant la démarche sur un territoire en lien avec l’ensemble des parties prenantes. L’heure n’est plus aux annonces et aux promesses mais au passage à l’action concret et collectif.
L’accompagnement d’Aktio nous a permis de contrôler et de structurer notre démarche. Grâce à leur équipe et à leur plateforme, nous réalisons notre bilan de gaz à effet de serre de manière durable pour un coût raisonnable. Comme toute plateforme informatique, l’outil a nécessité un court temps de formation et d'assimilation mais il nous permet aujourd’hui de gagner beaucoup de temps. Aktio se positionne en véritable accompagnateur et facilitateur de la transition bas-carbone. Ce travail a structuré l’engagement du Centre Juno Beach et a facilité son ancrage territorial.
Maxime Bouché, pilote du projet Bilan Carbone au Centre Juno Beach
En pilotant son empreinte carbone dans l’objectif de la réduire, le CJB contribue aux objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Cette feuille de route nationale traduit les engagements internationaux des Accord de Paris en objectifs nationaux par secteur, visant la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C.
Le musée s’est fixé une trajectoire de réduction de 5% par an, compatible avec la SNBC car plus ambitieuse. Le niveau d’émissions des deux dernières années correspond à celui visé en 2050 pour respecter les objectifs, à ceci près que le contexte sanitaire a évidemment eu un rôle prépondérant dans cette réduction via la réduction du nombre de visiteurs. L’enjeu du CJB est ainsi de retrouver un niveau d’activité normal tout en continuant à réduire l’intensité carbone par visiteur.
Cet évènement aura permis de montrer, à travers le témoignage du CJB, qu’un site touristique peut réduire son empreinte carbone. Un plan d’actions concret et adapté, ancré sur son territoire, et engageant toutes les parties prenantes, permet de contribuer à la bifurcation du secteur. Tout est à construire pour rendre les activités touristiques compatibles avec un monde soutenable et moins exposées à une “dépendance carbone” protéiforme (prix des énergies, contraintes sur les déplacements, etc.), à commencer par mesurer leurs émissions.