Temps de lecture : 6 minutes
La comptabilité carbone désigne les méthodes de calcul qui permettent de mesurer les émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise, d’une organisation ou d’un individu.
En effet, bien qu’il existe des appareils et techniques pour mesurer directement dans l’air les émissions, cette approche n’est pas envisageable pour mesurer rapidement et efficacement les émissions des entreprises. Il est donc apparu nécessaire de faire émerger des standards de calcul pour leur permettre d’accéder relativement “facilement” à leur empreinte carbone.
En France, la méthode de comptabilité carbone la plus répandue est celle mise au point par l'ADEME dénommée Bilan Carbone®. Mais il existe également d’autres méthodes telles que le GHG Protocol, reconnues à l’international.
Pour faciliter l’agrégation de données de sources diverses, la comptabilité carbone utilise des facteurs d’émission, soit un coefficient permettant de convertir une donnée (physique ou monétaire) en émissions de CO2 équivalent (CO2eq).
Deux approches principales sont ainsi utilisées :
L’approche monétaire vise à estimer une quantité d’émissions de gaz à effet de serre à partir d’une facture ou d’un montant monétaire. Elle passe par la conversion d’euros (ou autre devise) en émissions de gaz à effet de serre (kgCO2eq) à l’aide de ratios monétaires exprimés en kgCO2eq/€ (ou kgCO2eq/$, etc.).
En pratique, l’approche monétaire peut être utilisée pour évaluer en ordre de grandeur les émissions liées aux dépenses (achats de biens et services) de l’entreprise, pour lesquelles la collecte de l’intégralité des données physiques serait trop chronophage.
Elle présente un intérêt lorsque les émissions liées à un service sont difficiles à rapprocher à une donnée physique (par exemple, pour les services rendus par une société de conseil en marketing, une agence de sécurité, une assurance…).
L’ADEME fournit dans la Base Empreinte® des ratios monétaires pour 36 catégories d’achat de biens et services courants des entreprises, que vous retrouverez dans les graphiques ci-dessous.
L’approche monétaire présente trois avantages :
De manière générale, l’approche monétaire est utile pour pallier un manque de données physiques sur les produits achetés, ou lorsque l’approche physique est complexe à utiliser pour les achats de services. Elle peut être utile également lorsqu’un facteur d’émission physique n’est pas disponible. Dans ces différents cas de figure, l’approche monétaire constitue une alternative intéressante pour disposer malgré tout d’un ordre de grandeur sur les émissions.
Cependant et comme l’a rappelé l’Association pour la transition Bas-Carbone (ABC) en 2021, l’approche monétaire est insuffisante pour évaluer de manière précise et exhaustive l’empreinte carbone d’une entreprise, et ne permet pas d’identifier et suivre les actions de réduction d’émissions.
Il s’agit en effet d’une méthode moins précise et granulaire que l’approche physique. Les ratios monétaires ont une incertitude très élevée (estimée en moyenne à 80%) car ils peuvent couvrir des produits ou services à l’empreinte radicalement différentes, comme l’illustrent ces deux analyses :
À titre d’exemple, les émissions liées aux consommations d’énergie d’une entreprise peuvent être estimées sur la base des dépenses d’énergie à l’aide d’un ratio monétaire. Cependant ces ratios sont très incertains car sensibles à la volatilité des prix du marché de l’énergie. De plus, une facture d’énergie peut couvrir des sources avec des émissions par kWh très différentes, qui ne se reflètent pas dans le prix.
Pour l’achat de biens et services, les ratios monétaires présentent également une limite intrinsèque dans le sens où ils ne couvrent que les émissions générées en amont de la chaîne de valeur (soit la production et le transport en amont du fournisseur). Il est donc important que l’entreprise estime également le transport aval du fournisseur (qui correspond au transport amont de l’entreprise !). Ces données sont généralement plus facilement accessibles et l’entreprise dispose sur elles d’un levier d’action plus important.
Notons également que l’approche monétaire est peu adaptée pour évaluer les émissions d’un produit sur tout son cycle de vie. En effet, seule une approche physique ou la réalisation d’une Analyse du Cycle de Vie peuvent permettre de quantifier précisément ces émissions.
Enfin, l’approche monétaire ne permet pas de suivre l’évolution de son empreinte carbone, ni de mesurer l’impact de ses actions de réduction. En effet :
Une variation des dépenses ne permet donc pas d’évaluer avec précision l’évolution de l’empreinte carbone d’une entreprise.
L’approche physique vise à calculer des émissions de gaz à effet de serre à partir de données physiques. Elle recourt à l’utilisation de facteurs d’émissions physiques exprimés en kgCO2eq/unité physique.
Exemples de données physiques :
L’approche physique est la seule qui permet de coller au plus près de la réalité physique des activités de l’entreprise. Or, l’obtention d’une représentation fidèle des postes d’émissions principaux de l’entreprise conditionne la mise en place d’actions de réduction ciblées et véritablement efficaces. Elle doit donc être privilégiée dès lors que les données physiques existent ou qu’il est possible de les obtenir.
Plus rigoureuse que l’approche monétaire, l’approche physique nécessite la collecte de données physiques détaillées sur l’ensemble des opérations, et idéalement dans sa chaîne de valeur via ses fournisseurs. La collecte de ces données et leur gestion peut être exigeante en termes de ressources, notamment dans les grandes entreprises. À ce titre, elle nécessite souvent de faire appel à une expertise spécifique et à une plateforme dédiée de comptabilité carbone.
Néanmoins les solutions se multiplient pour pallier ces inconvénients et l’entreprise ne doit pas hésiter à y recourir : technologies de monitoring des données, logiciels ou plateformes de pilotage des données carbone, automatisation de la collecte des données... sont autant de moyens qui peuvent rendre la collecte des données plus simple et rapide à mettre en œuvre.